L’histoire a démarré il y a 14 ans, presque jour pour jour. Nous sommes le 05 juin 2005. « Jeu, set et match, Rafael Nadal ; 6/7 6/3 6/1 7/5 ». Sur le court Philippe Chatrier, un jeune espagnol pétri de talent et de certitudes s’affale sur la terre ocre, submergé par l’émotion. Un gamin de 19 ans vient de remporter Roland-Garros pour sa première participation. A cette époque, on ne le sait pas encore mais l’histoire ne fait que commencer.
Nadal, les 12 travaux d’Hercules
Hier, pour sa 12ème finale à Roland Garros, Rafael Nadal nous a encore fait vivre un véritable moment d’histoire. Vainqueur de Dominic Thiem en quatre sets (6-3, 5-7, 6-1, 6-1) après plus de 3h00 d’un combat de titans, l’Espagnol a remporté les Internationaux de France pour la douzième fois. Avec 18 titres majeurs, voilà désormais le Majorquin à deux longueurs seulement du record de Roger Federer (20). On dira ce qu’on voudra, c’est stratosphérique ! Quelle chance folle d’être contemporain du champion qu’est devenu Nadal.
Pour la 12ème fois en 15 éditions, le roi Rafa vient, une fois encore, de faire graver son nom sur la coupe des Mousquetaires sous l’œil d’un Toni Nadal toujours plus fier de son neveu : « Il aime son sport, il aime la compétition, il aime tenter d’être meilleur jour après jour ». Et quand quelqu’un ose lui dire qu’avec 12 titres à Roland, son neveu Rafa est une légende, il rétorque en souriant : « Il était déjà une légende ».
Certains disent que c’est lassant, que c’est toujours la même histoire, que ça fait bientôt 15 ans que ça dure et qu’il faudrait que ça change. C’est un syndrome finalement assez français. Tout le monde devrait pourtant prendre conscience de la chance considérable d’avoir un Nadal au sommet de son art depuis tant et tant d’années. C’est une bonne chose pour le sportif qu’il est autant que pour le sport en général. 12 Roland-Garros, il faut prendre la mesure de la performance. On a tendance à oublier que la dernière défaite de Nadal à Roland remonte au 3 juin 2015…
Entre 1974 et 1981, Borg avait remporté 6 titres en 8 participations. Bien sûr, les records sont faits pour être battus mais qui pouvait vraiment imaginer qu’un jour, Nadal réaliserait deux fois l’exploit du Suédois. Et oui, Nadal, c’est Borg X2 !
15 ans de bonheur !
En 2005, alors que Nadal dispute son tout premier Roland Garros, le « second » de Federer avait pour but de se faire un nom. 15 ans plus tard, et fort d’une lucidité déconcertante, Rafa a su devenir une machine à gagner. Ce n’est pas la classe de Federer, non. Ce n’est pas la fougue de Djokovic non plus. C’est beaucoup de travail, de remise en question et d’abnégation. C’est du Nadal, tout simplement.
Chez Rafa, pas de théorème du « point cadeau ». L’espagnol ne donne rien, jamais. Dans le monde de Nadal, les points gratuits n’existent pas. Ils sont nombreux sur le circuit à en avoir fait les frais : « pour vaincre Nadal à Roland, il faut être dans la forme de sa vie, à 200% du premier au dernier point. Car tu sais pertinemment que Rafa ne cèdera rien. Pas un point. »
Nadal, encore longtemps ?
Bien sûr, sur la terre ocre parisienne, le roi Rafa est dans son jardin. Il frappe fort, bombé, il ne laisse aucun point. On ne gagne pas 12 Roland-Garros sans talent, c’est certain. Mais la véritable question est ailleurs : comment gagne-t-on 12 Coupes des Mousquetaires sur les 15 distribués entre 2005 et 2019, dans une période où jamais, le tennis n’avait connu une telle concurrence au plus haut niveau ?
Évoluer, vivre avec son temps, jouer avec son âge, sans nostalgie aucune et avec une seule et même envie : vaincre. Longtemps, contraint par des blessures récurrentes, on se disait que la machine Nadal avait pris le bouillon, que son jeu allait le « rendre chèvre » à 25 ans, que le tennis de Nadal ne verrait pas 30 ans. Foutaise. À la manière des forts, Nadal est toujours là.
Et si Nadal venait à l’emporter à Londres cette année, il réussirait son troisième doublé Roland-Garros – Wimbledon. Un seul joueur y est déjà parvenu et il se nomme Bjorn Borg. Tout un symbole…
Rafa, leçons d’excellence et d’humilité
Sur le court et en dehors, Rafa à cette lucidité que d’autres n’ont pas : « je sais que je ne suis plus le Rafa Nadal d’il y a 4 ou 5 ans. Je sais que je ne serai plus ce joueur-là, jamais. Ce qui m’importe, c’est d’être le meilleur à l’instant T ». Depuis longtemps, peut-être même depuis le tout début, Nadal a compris que le maître était Federer. Il s’en est plutôt bien accommodé : « Me comparer à Roger, je pense que c’est trop ». L’humilité est une vertu et dans ce cas précis, cette qualité l’a même aidé à gagner.
« Tout ce qu’a réussi Roger est pratiquement impossible à refaire. Je suis heureux avec ce que j’ai » : tout est dit. D’autres devraient tellement s’en inspirer. Tout le monde n’est pas « taillé » pour être le 1er. Il y a aussi d’excellent second. Il vaut mieux un second qui gagne qu’un premier qui doute. À Paris, le roi Rafa n’est plus invaincu. Pourtant, cette année encore, il était invincible.
A table, ce dimanche, on s’amuse en famille. Qui est capable de réciter le palmarès de Roland Garros ? Depuis 2005, c’est assez facile. Et Nadal y est pour beaucoup…
2005-2006-2007-2008-2010-2011-2012-2013-2014-2017-2018-2019 : il n’y a pas débat. Rafa est toujours tout en haut Porte d’Auteuil…